Microdéconnexions : discontinuités et ruptures du contact communicationnel. Entretien - Cnam - Conservatoire national des arts et métiers Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Tracés : Revue de Sciences Humaines Année : 2022

Micro-disconnections: interruptions and breaks in communication contacts

Microdéconnexions : discontinuités et ruptures du contact communicationnel. Entretien

Résumé

Le contexte pandémique a révélé des sociétés inquiètes, en pratique comme en théorie, d’organiser une proxémie de la distance sociale. Or les ressources numériques existantes et développées pour l’occasion font plutôt penser à une société prête à faire les choses à distance en contexte de crise, hyperconnectée : « sans contact » direct, le citoyen covidé est néanmoins activement communiquant grâce aux médiations numériques, devenues enjeu sanitaire. De fait, le domaine communicationnel s’appuie sur le principe de la mise en contact médiée (par les sens ou des appareils) et généralisée dans des systèmes de transmission et de rétroaction. Tracés s’est demandé, dans le cadre des interrogations de ce dossier, comment une communication pouvait être « sans contact » : c’est-à-dire, au-delà des raisons techniques de la transmission d’information (une carte bancaire interagit « sans contact » avec le terminal de paiement), que se passe-t-il quand le courant ne passe plus, au propre et au figuré, quand les systèmes de communication défaillent, s’interrompent, disparaissent… voire ne sont jamais vraiment construits ou mis à disposition. Cette autre inquiétude, envers de supposés excès communicationnels comme envers leur mise en défaut, va jusqu’à voir naître de nouveaux domaines d’études en media studies, les études de déconnexion qui se penchent sur les applications, les usages et les systèmes des manières de rompre, temporairement ou de manière plus radicale, avec le tout-numérique. Nous avons invité deux sociologues des usages et de la communication, Laurence Allard et Edgar Mbanza, qui, à travers leur intérêt pour les pratiques, ont eu à faire très concrètement à ces ruptures de communication – des microdéconnexions – sur leurs terrains. L’intérêt du regard de nos deux invités sur le sujet de la déconnexion consiste d’abord à casser le dualisme usage/non-usage qui prédomine dans la pensée des connexions numériques aujourd’hui. Cette interview invite à penser le fait d’être non connecté comme une pluralité de ces phénomènes et ceci à plusieurs échelles d’observation, d’où l’idée de microdéconnexions qui éclaire la diversité des pratiques tout en signalant la norme existante de l’hyperconnexion. Elle ouvre également le regard aux territoires de la communication en rupture, depuis l’individu incorporant la technique jusqu’au renforcement des collectifs, depuis les contextes locaux de la débrouillardise au quotidien jusqu’aux politiques publiques, voire supranationale, d’équipement numérique des pays et de leurs populations, des applications aux infrastructures. En ceci, cette conversation montre toute la difficulté de penser le non-usage en contexte de communication, comme les apories d’une distinction trop binaire d’avec la notion d’usage. L’idée d’une « communication sans contact » reposerait ainsi sur l’attention à des pratiques non normatives des connexions numériques et de leurs appareils, à une géographie sociale des systèmes de communication qui ne serait pas tout entière prise dans la convergence des technologies mais révélerait ses effets d’échelle et de fragmentation, et au regard critique face aux discours injonctifs sur la « nécessité de communiquer ».

Dates et versions

hal-04002119 , version 1 (23-02-2023)

Identifiants

Citer

Camille Paloque-Bergès, Laurence Allard, Edgar Mbanza. Microdéconnexions : discontinuités et ruptures du contact communicationnel. Entretien. Tracés : Revue de Sciences Humaines, 2022, pp.139-166. ⟨10.4000/traces.13928⟩. ⟨hal-04002119⟩
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